mardi 21 juin 2016

Dans 50 ans, un été froid pourrait être plus chaud qu’aujourd’hui

Entre 2061 et 2080,  la majeure partie du globe connaîtra régulièrement des étés plus chauds que tous ceux observés jusqu’à présent, selon une étude réalisée par des scientifiques du Centre national pour la recherche atmosphérique (NCAR, Etats-Unis). La réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait cependant diminuer ce risque.

On sait déjà que le risque de voir des records de chaleur locaux est désormais cinq fois plus important qu’avant la perturbation climatique liée aux gaz à effet de serre. Cela signifie qu’il y a environ 80% de chance pour que les records actuels soient dus au changement climatique (Dim Coumou, 2013). Certaines régions du globe, comme l’Afrique, l’Europe ou l’Asie du Sud, ont déjà vu les records estivaux augmenter d’un facteur 10.

Dans un article publié dans le Journal of Geophysical Research : Atmospheres, des scientifiques européens avaient également dévoilé en octobre 2014 un palmarès des différentes vagues de chaleur recensées dans le monde depuis 33 ans. D’après leur analyse, le nombre de canicules sévères enregistrées sur la planète entre 2002 et 2012 a été trois fois supérieur à celui relevé  lors des périodes 1980-1990 et 1991-2001.

Que nous réserve l’avenir ? D’après une nouvelle étude de Flavio Lehner, Clara Deser et Benjamin M. Sanderson (NCAR), ces nouveaux extrêmes deviendront la norme dans une cinquantaine d’années. Si le changement climatique poursuit sa trajectoire actuelle. Cet article publié dans la revue « Climatic Change » s’intéresse aux étés pris dans leur ensemble et non aux brefs épisodes de canicule.

Conclusion principale : chaque été qui aura lieu entre 2061 et 2080 aura 80% de chances d’être plus chaud globalement que le plus chaud des archives actuelles. L’étude concerne les températures à la surface des terres du globe et ne tient pas compte de l’Antarctique. Ce résultat se base sur le scénario RCP 8.5. Si l’on se réfère au dernier rapport du GIEC, on peut estimer que le RCP 8.5 prévoit un réchauffement global d’environ 3°C pour la période 2060-2080 (par rapport à 1850-1900).

En cas de réduction des émissions de gaz à effet de serre, cette probabilité pourrait cependant tomber à 41%,  selon l’étude. Les auteurs ont utilisé dans cette hypothèse le scénario RCP 4.5, qui amènerait à environ +2/2,5°C en 2060-2080.

L’équipe de recherche a utilisé deux ensembles de modélisations pour déterminer à quoi ces étés du futur pourraient ressembler. Ces simulations ont été réalisées grâce au Community Earth System Model du NCAR (Etats-Unis) pour tester deux hypothèses : l’une prévoyant la poursuite sans relâche des émissions de gaz à effet de serre, l’autre tablant sur une réduction des émissions. A noter que le RCP 8.5 prévoit 1000 ppm de CO2 en 2100 contre 400 aujourd’hui ; le RCP 4.5 prévoit un peu plus de 600 ppm.
Probabilité de voir un été de 2061-2080 plus chaud que le plus chaud de la période 1920-2014. Source : Flavio Lehner, Clara Deser, Benjamin M. Sanderson.

Probabilité de voir un été de 2061-2080 plus chaud que le plus chaud de la période 1920-2014. Source : Flavio Lehner, Clara Deser, Benjamin M. Sanderson.

En exécutant le même modèle à plusieurs reprises, avec seulement de petites différences dans les conditions de départ initiales, les scientifiques ont pu examiner la gamme de températures estivales que nous pourrions atteindre à l’avenir en fonction des scénarios d’émissions.

Les chercheurs ont comparé leurs prévisions aux températures réelles enregistrées entre 1920 et 2014, ainsi qu’aux 15 simulations estivales réalisées sur la même période historique. En simulant des étés passés – au lieu de compter uniquement sur des observations – les scientifiques ont établi une large gamme de températures qui auraient pu se produire naturellement dans les mêmes conditions.

Les auteurs de l’étude n’ont donc pas seulement comparé l’avenir aux 95 étés du passé, grâce aux modèles, ils ont eu la possibilité de créer plus de 1425 étés passés (95 ans x 15 simulations). De quoi se se faire une idée plus précise de ce que peut être la variabilité naturelle.

Entre 2061 et 2080, les étés dans de vastes régions de l’Amérique du Nord et du Sud, l’Europe centrale, l’Asie et l’Afrique auront 90% de chances d’être plus chauds que tous les étés passés si les émissions se poursuivent sans relâche. Cela signifie que pratiquement chaque été serait aussi chaud que le plus chaud  du climat actuel.

Dans d’autres régions, la probabilité de voir des étés plus chauds que tous ceux du passé resterait inférieure à 50%. Dans ces endroits – y compris l’Alaska, le centre des Etats-Unis, la Scandinavie, la Sibérie et l’Australie continentale – les températures estivales varient naturellement de manière importante, ce qui rend plus difficile à détecter l’impact du changement climatique, précisent les auteurs de l’article.

L’un des aspects les plus intéressants de l’étude est la projection présentée pour trois villes ayant des caractéristiques différentes : Le Caire (Egypte), Paris (France) et Canberra (Australie).

Le Caire : en 2061-2080, le réchauffement sera en été de 3,2°C avec le RCP 4.5 et de 5,2C° avec le RCP 8.5. En raison de la faible variabilité interannuelle, les étés seront systématiquement plus chauds que tout autre été même avec le RCP 4.5.

Paris : la capitale française se réchauffera autant que Le Caire mais la plus grande variabilité fera que le RCP 4.5 sera marqué par des été plus chauds que le record dans « seulement » 50% des cas. Il faudra le RCP 8.5 pour que le record actuel soit systématiquement dépassé, chaque été. Dans 50 ans, +5°C serait alors l’anomalie moyenne à Paris par rapport à la période 1920-2014. Une anomalie supérieure à celle de l’été 2003 (on parle bien des trois mois d’été et non de la période de canicule). Les étés les plus chauds pourraient flirter avec les +8°C.

Canberra : la ville australienne connaît une grande variabilité, comme Paris, mais les températures devraient moins s’élever.

Autre conclusion à relever : la réduction des émissions diminuerait la probabilité globale de voir les températures estivales excéder les valeurs record actuelles, mais les avantages ne seraient pas répartis uniformément. Dans certaines régions, y compris la côte Est des Etats-Unis et une grande partie des tropiques, la probabilité resterait quand même au-dessus de 90%, même avec le scénario RCP 4.5.

Mais cela serait une aubaine considérable pour d’autres régions du monde, d’après les scientifiques. Le Brésil, l’Europe centrale, et l’est la Chine verraient une réduction du risque de plus de 50%. Étant donné que ces zones sont densément habitées, une grande partie de la population mondiale bénéficierait considérablement des mesures d’atténuation.

Par Johan Lorck le 18 juin 2016.
Source : Global-Climat

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